« L’entreprise de déconstruction théotechnique »
Le Fresnoy – Panorama 18 (2016)
Conception technique et construction.
Installation
«Like someone laughing in the eyes of his sons-in-law»
Réalisée par Fabien Zocco en 2016, L’Entreprise de déconstruction théotechnique organise une collision entre l’Ancien Testament et un agencement machinique qui en érode le sens. La première altération consiste à introduire le texte biblique dans une succession d’algorithmes informatiques. Le texte est ainsi parasité par des contraintes aléatoires qui en déforment le sens. Cela donne lieu à des formules telles “Like someone laughing in the eyes of his sons-in-law”, “I’m going to fructify you a lot”, etc. Ces modifications ont des effets ambivalents. Parmi les propositions produites, certaines sont intelligibles, voire relèvent d’une poésie abstraite due à des distorsions sémantiques ou sonores. D’autres, au contraire, révèlent une puissance malveillante du langage : elles creusent un vide au sein de sa capacité à faire sens. À la manipulation du texte, de sa matérialité et de son sens, s’ajoute une seconde manipulation, littérale cette fois, qui amplifie son altération. Les propositions sont en effet énoncées par des voix de synthèse émanant de smartphones fixés à des bras robotisés en mouvement, eux-mêmes reliés à une structure métallique semi-circulaire reposant au sol. Pourtant, cette intensification du technique (des artefacts attelés à des artefacts) aboutit à autre chose qu’à lui-même. Les voix se font entendre en solo, en duo ou en polyphonie. Les mouvements des bras, quant à eux, évoquent une chorégraphie presque animale. Tel est le sens de cette société de robots énonçant collectivement des éclats de l’Ancien Testament : mêler langage déconstruit (écrit et oral), préhension, divin, technique, animal et humain pour créer entre eux une proximité ou, au contraire, faire en sorte qu’ils se désidentifient.
Pierre Tillet, critique
« A Mind-Body Problem »
Le Fresnoy – Panorama 17 (2015)
Conception technique et construction.
Installation
L’expression mind-body problem regroupe un ensemble de théories qui, depuis Descartes jusqu’aux récents développements des neurosciences, tentent d’expliciter les liens unissant le corps et l’esprit humain.
Ces liens constituent autant d’énigmes irrésolues quant au substrat matériel de la pensée, ou quant à la possibilité d’une machine douée de raison. Autant d’énigmes qui m’ont accompagné au cours de ce projet, jusqu’à en déterminer le titre.
A la fois micro architecture immersive, processus d’écriture et forme sonore, A Mind-Body Problem invite à faire l’expérience d’une désorientation. Le dispositif se présente sous l’aspect d’un cylindre pénétrable, sa paroi intérieure diffusant une lumière blanche uniforme. Le spectateur, enveloppé dans cet écran immaculé, voit son champ de vision intégralement capturé par le dégagement lumineux et perd tout repère spatial.
Une voix se fait entendre au coeur de l’espace ainsi défini. Elle donne corps à un texte généré selon un protocole impliquant un logiciel d’intelligence artificielle détourné. Cette voix, répartie sur plusieurs pistes, se superpose à elle-même et s‘agence en continu au fil d’une partition combinatoire non linéaire.
La pièce instaure une zone floue, entre l’humain et la machine. Elle donne lieu à un processus de subjectivation qui s’active à partir d’une (in)conscience proprement a-humaine. Celle-ci impose sa présence paradoxale dans sa disparition même, et cherche son expression à travers un corps réduit à sa trace la plus immatérielle : la voix.